Pendant tout l’été, et depuis quelques mois en fait, un nouvel outil de création d’histoires interactives fait son bonhomme de chemin et est en train de conquérir de plus en plus d’utilisateurs et utilisatrices : il s’agit de Moiki, un outil en ligne avec de nombreuses fonctionnalités. En attendant un éventuel article qui va plus en détail sur cet outil, nous avons posé quelques questions à son créateur.
Bonjour Clément ! Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Bonjour, je m’appelle Clément, j’ai 38 ans, je suis développeur et aussi un peu maker. Et je suis pas super fort en présentation. 🙂
Tu es le créateur de Moiki, un site qui permet de créer facilement des fictions interactives à embranchements. D’où t’es venue l’idée de ce projet, et quand l’as-tu démarré ?
L’idée remonte au mois de février. À la base, je voulais faire une « console de jeux audio » pour enfants. Au fil de mes réflexions sur ce projet, j’en suis arrivé à me concentrer sur les contes interactifs et les histoires à embranchements. J’ai donc fabriqué un prototype en Arduino (une boite avec un haut-parleur et quelques boutons) et commencé à coder la partie logicielle.
Pour mettre mon code à l’épreuve, il me fallait une histoire à embranchements, et je me suis donc mis en tête d’en écrire une.
Très vite, je me suis rendu compte qu’il me faudrait un outil pour y arriver, avec une façon simple de visualiser les embranchements, parce que sinon on s’y perd rapidement ! Et comme je ne trouvais rien qui me convenait complètement, j’ai décidé de coder l’outil dont j’avais besoin ! Après avoir fait une version utilisable (éditeur et player), et forcé mes proches à faire des histoires avec (ha ha), les retours étaient top. Les premiers fans ont été mes fils, et le plus jeune a même commandé une histoire pour son anniversaire ! Bref, ça m’a donné envie de faire grandir le projet. Et voilà, Moiki était né !
Tu nous en dis un peu plus sur Moiki et sur les capacités de l’outil ?
Moiki est une plate-forme gratuite en ligne qui permet de créer des histoires à embranchements simplement, sans coder. L’éditeur comprend un graphe minimaliste pour ne pas se perdre dans son fil narratif, et inclut des services pour intégrer des sons et des icônes. Il est également très facile de partager son histoire avec un simple lien.
Côté player, l’interface est personnalisable (couleurs, police de caractères…) et fonctionne bien sur mobile. Et pour vous aider à démarrer il y a de la documentation et quelques tutoriels vidéo.
Personnellement, tu viens plutôt de la FI, du jeu de rôle, du livre dont vous êtes le héros, du jeu vidéo ? Qu’est-ce que tu aimes dans le jeu et est-ce que ça s’intersecte avec Moiki ?
J’ai fait beaucoup de jeux de rôle lorsque j’étais plus jeune, et je me souviens avoir triché pas mal sur les quelques livres dont vous êtes le héros que j’ai eu l’occasion de lire. 🙂
Cela m’a sûrement inspiré dans la conception de l’éditeur d’histoires, mais je ne voulais pas m’enfermer dans un genre en mettant en place des fonctionnalités trop spécifiques — comme une feuille de personnage avec des caractéristiques par exemple. Je voulais créer des petits jeux textuels pouvant être joués par n’importe qui, pas seulement des gamers ou fans de livres dont vous êtes le héros. Moiki ne s’adresse pas qu’aux geeks, mais aussi à des auteurs issus de la littérature plus conventionnelle et qui ne connaissent pas tous les codes de la fiction interactive. La preuve : même ma mère a réussi à créer une histoire !
Quelle est la philosophie derrière Moiki, et quel est le but que tu recherchais ? Le public ciblé ?
Le but recherché n’est rien de moins que la démocratisation de la fiction interactive ! En ciblant le format court jouable sur mobile, l’idée est de toucher un nombre de gens plus important que la niche des fans de fictions interactives. Moiki est pensé pour les usages d’aujourd’hui : les histoires sont généralement courtes et une fois chargées elles ne nécessitent plus de connexion, ce qui permet d’y jouer pendant les déplacements en métro, par exemple, où il n’y a pas toujours de réseau.
Un des points forts de Moiki, que je trouve très intéressant, c’est le fait de pouvoir exporter son histoire dans d’autres formats. Peux-tu nous parler de cette fonctionnalité ?
Il y a plein d’outils qui se créent et disparaissent. Pour les auteurs ce n’est pas toujours très rassurant de se lancer dans l’utilisation d’une nouvelle plate-forme. Le fait de pouvoir exporter ses histoires permet d’assurer une certaine garantie de pérennité.
Il est possible d’exporter ses histoires aux formats HTML 5, JSON et texte. Le format HTML 5 est une archive qu’on peut ensuite héberger sur son propre serveur, ou même sur itch.io. Le format texte, lui, c’est un export tout simple qui reprend l’intégralité des textes. Cela permet essentiellement de faciliter la relecture ou la traduction de son histoire. Le format JSON permet d’exporter les données brutes d’une histoire. Ce qui est intéressant avec ce format c’est qu’il peut par la suite être converti avec Moiki-Exporter !
Cet outil, qui est en open-source, mange le JSON de Moiki et le transforme en d’autres formats bien connus des auteurs de fictions interactives : Twee (Harlowe, Sugarcube), ink, Inform 6… D’autres formats sont aussi disponibles comme par exemple l’export PDF, qui permet de transformer son histoire Moiki en livre dont vous êtes le héros.
Et depuis peu il existe également un autre type d’export : l’export audio avec Moiki Vocalizer ! Cette fois c’est une application de bureau qui permet d’enregistrer les textes de son histoire avec un micro (ou avec la synthèse vocale pour tester) et de les restituer sous forme d’une application web qu’on peut jouer localement ou héberger en ligne. Là, le public ciblé c’est principalement les enfants. D’ailleurs, il y a même un export pour la Fabrique à histoires de Lunii (mais le nouveau firmware de la boite [2.4] pose actuellement des soucis).
Cette fonctionnalité d’exportation, c’était prévu ? C’est quelque chose que tu ajoutes pour attirer les gens ? Ou pour t’amuser ? (Les 3 ?)
La fonctionnalité d’export web était prévue dès le départ : il fallait au minimum pouvoir conserver localement l’histoire telle qu’elle est affichée sur le site. L’export audio, ça, c’était l’idée d’origine, et même s’il y a encore des choses à améliorer, je suis plutôt content du résultat. Pour les autres formats, c’est un peu un mix entre « attirer les gens » et « m’amuser ». 🙂
Un truc un peu « caché », que j’ai fait rapidement pour répondre aux attentes d’une utilisatrice, c’est l’import Twine. Depuis Moiki-Exporter, on peut importer un fichier Twine pour récupérer un JSON Moiki. Celui-ci peut alors être importé depuis la page atelier de Moiki (ou même ré-exporté en pdf, ink…). Là aussi, ce n’est pas parfait, mais cela peut permettre de récupérer un vieux projet, ou de tester l’éditeur de Moiki sans partir d’une page blanche.
Quelles sont les perspectives d’évolution de Moiki ? Des nouvelles fonctionnalités prévues ? Des envies, des objectifs ?
J’ai encore quelques fonctionnalités en réserve permettant plus de souplesse dans l’écriture des histoires. La traduction en anglais est également au programme.
Un des trucs que j’aimerais bien faire serait d’ouvrir l’éditeur en mode bac-à-sable (c’est-à-dire accessible publiquement, sans connexion). Cela me permettrait notamment de pouvoir proposer des tutoriels interactifs et faciliterait le partage d’histoires.
Pour le moment, il y a peu d’utilisateurs, et j’héberge moi-même la plateforme, ce qui ne me coûte rien ou pas grand chose. Mais si, comme je l’espère, le projet grandit en notoriété, je ne suis pas sûr d’être en mesure de continuer à auto-héberger l’application. À partir de ce moment là, certaines fonctionnalités de Moiki pourraient devenir payantes, afin de couvrir mes frais. Une idée un peu folle serait de faire un store où les auteurs pourraient vendre leurs jeux. Mais c’est vraiment loin tout ça !
Merci Clément, et on souhaite plein de succès à Moiki !
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