On dit souvent que les enfants ont une imagination débordante. Et pour cause, leurs cerveaux ne sont pas encore formatés comme ceux des adultes. Leur code de conduite est généralement exempt de tabous et ils ne connaissent pas l’autocensure.
Et comme « l’imagination est le meilleur des moteurs de jeu ! », cela en fait de parfaits cobayes pour jouer à des fictions interactives… voire en créer !
Certains puristes ne définiront la « vraie » fiction interactive que par les jeux à parser. Et même si des initiatives ouvrent des portes pour familiariser les enfants avec ce type de jeu (comme la Text Adventure Literacy Jam qui se déroule en ce moment même, ou encore la liste des jeux conseillés sur IFDB par @hlabrande), ce n’est de toute évidence pas ce qu’il y a de plus adapté pour les plus jeunes (à moins bien sûr d’être accompagné d’un adulte qui filtre et tape les commandes, mais ce n’est pas le sujet). Aussi, dans cet article je ne m’aventurerai pas sur ce terrain – que je ne maîtrise guère !
Par ailleurs, pour les moins de 4 ans, je ne crois pas qu’il existe grand-chose se rapprochant de la fiction interactive telle qu’on se la représente ici (je ne parlerai pas des livres musicaux, à toucher ou « pop-up » : bien qu’interactifs et adaptés au développement de l’enfant ils délaissent l’ingrédient fictionnel).
Pour les tout petits (à partir de 4 ans)
Pour ceux qui n’ont pas encore atteint l’âge de la lecture (autour de 7 ans en général), il existe divers canaux permettant d’ajouter une dose d’interaction dans des univers de fiction.
Sans savoir lire, on peut écouter (enfin… pas tous les enfants et pas tout le temps !). Laissez-moi donc vous parler de « La Fabrique à Histoires » de Lunii.
Lunii est une société française qui vend des boîtes à histoires : une sorte de gros lecteur MP3 avec des boutons.
Cet appareil permet aux enfants d’écouter des histoires en faisant quelques choix au début, par exemple : « Qui ton héros va-t-il rencontrer ? », « Un lapin », « Une grenouille » (il faut tourner un bouton pour choisir). La plupart des « packs » d’histoires vendus sur leur site proposent trois choix avant de commencer l’histoire, puis celle-ci est contée d’une traite. Mais il existe quelques packs (comme « Les couloirs du temps » par exemple) qui proposent des choix pendant l’histoire.
La boîte est facilement manipulable par les petits, et les histoires sont de bonne qualité. Et le gros point fort, c’est qu’ils seront autonomes dans leur expérience.
Sachez également qu’il existe un projet open-source (STUdio) permettant de produire ce type d’histoires et de les mettre sur une fabrique à histoires ! Il y a même quelqu’un qui a créé un site web communautaire pour partager des histoires compatibles avec STUdio que vous pouvez télécharger gratuitement (ou même tester directement dans un navigateur).
Une tout autre façon d’aborder l’interactivité dans une histoire est bien évidemment le jeu de rôle ! Alors, il n’est pas question ici de mettre la chair de votre chair dans la peau d’un NetRunner se baladant dans les tréfonds malfamés de NightCity ou de lui faire découvrir les joies de l’écrabouillage de têtes à l’aide d’une arme-dieu dans Bloodlust ! Du moins, pas tout de suite ! Ceci dit, chacun de ces univers reste abordable en édulcorant le discours… Toutefois, il est préférable pour garder leur attention de s’orienter vers des jeux proposant des règles simples et permettant une mise en place rapide. Si passer une heure à créer une feuille de personnage peut être amusant, je ne suis pas certain qu’ils aient envie de rester autour d’une table toute une après-midi !
Il existe divers jeux de rôle prévus et pensés pour les enfants. Celui dont je vais vous parler n’est certainement qu’un exemple parmi d’autres, mais il a l’avantage d’être ultra simple (et en plus on y a déjà joué avec mes enfants). J’ai nommé : Donjon et chenapans.
Une feuille de personnage avec un encart pour faire un dessin, trois caractéristiques (force, agilité, magie) et… pas mal de dés à six faces – et ça, ça plaît aux enfants : mon aîné est fan ! Les actions ne nécessitent pas de calculer quoi que ce soit (un six indique une réussite), et il n’y a rien à lire.
Un scénario est également disponible sur la page mise en lien. Il faudra bien sûr qu’un adulte fasse le maître de jeu – et qu’il ne soit pas un sadique de premier ordre !
Avant la lecture (à partir de 5-6ans)
A partir de cet âge les jeux de société prennent souvent une place importante au sein de la famille. Certains d’entre eux se rapprochent un peu de la fiction interactive et permettent de développer l’imaginaire de nos chérubins, en voici quelques exemples :
Dixit – Il s’agit d’un jeu de cartes avec des illustrations d’inspiration onirique où un joueur « conteur » énonce un thème en rapport avec l’une de ses cartes. Les autres joueurs lui donnent chacun une carte de leur main correspondant au thème. Il faut ensuite retrouver quelle était la carte du conteur. C’est un peu éloigné du thème « fiction interactive », mais les explications quant au choix de telle ou telle carte sont souvent assez cocasses avec les petits, et c’est là qu’on voit qu’on est bien dans la fiction. Une version imprimable est d’ailleurs mise à disposition par l’éditeur.
Il était une fois… – Là aussi il s’agit d’un jeu de cartes comportant de belles illustrations. Le but est de raconter une histoire en utilisant ses cartes comme les ingrédients du récit. Chaque fois qu’un des ingrédients est placé dans l’histoire, on défausse la carte. Si un joueur bafouille ou raconte quelque chose d’incohérent, c’est au joueur suivant de continuer l’histoire avec ses propres cartes. Ce jeu n’est pas récent, mais c’est un vrai plaisir d’y jouer avec ces machines à imaginer que sont les enfants !
Pour les jeunes lecteurs (à partir de 7 ans)
Alors bien sûr, si vous faites la lecture vous-même, cela peut être abordé plus tôt !
Je ne pouvais pas écrire cet article sans citer les fameux livres-dont-vous-êtes-le-héros ! Mais la plupart de ceux-ci ne sont pas faits pour un jeune public. Les thèmes sont souvent horrifiques et leur format, de quelques centaines de pages, risquerait d’effrayer nos chers petits. Toutefois, certaines boîtes d’édition modernes produisent ce genre de livres pour les plus jeunes.
Il y en a sous forme de romans, comme par exemple ceux de la collection « Deviens le héros » (Auzou Editions) qui sont surtout axés sur la lecture et finalement assez peu sur l’aspect interactif : il y a des choix, mais peu. Je ne suis pas sûr que tous soient sur le même modèle, mais le seul que j’ai lu avec mes loulous propose un choix après une brève introduction, et selon que l’on choisit A ou B, on va lire une moitié (ou l’autre) du livre. La rejouabilité est du coup assez limitée, mais l’histoire reste agréable. On ne m’a pas encore demandé d’en acheter d’autres…
Plus proche des histoires à choix multiples telles qu’on les connait, il y a bien sûr GameFlow et sa superbe collection « Ma Première Aventure : l’histoire dont tu es le tout petit héros ».
Ceux-là sont assez innovants et proposent des choix à chaque page. Les pages sont découpées en trois parties, et selon ce qu’on choisit on tourne l’une ou l’autre de ces parties. Il y a également des objets que l’on peut gagner ou perdre qui sont mémorisés grâce à un ingénieux système de roues cartonnées qui restent toujours visibles. Il s’agit réellement de jeux auxquels on peut perdre ou gagner, mais la victoire totale n’est jamais trop simple ! Mes enfants sont fans – et moi aussi en fait !
Ces dernières années les rayons jeunesse des librairies se sont également vu envahir par ce qu’on appelle les « livres-jeux ». Escape book, livres d’enquêtes, énigmes en tout genre… c’est un sujet beaucoup trop vaste pour que je m’égare sur cette voie, mais sachez qu’il y en a pléthore ! Au point où j’en suis, permettez-moi tout de même de citer 404 éditions qui excelle dans cette catégorie, notamment avec la collection « Vivez l’aventure ».
Je ne connais évidemment pas tout et il est possible que je sois passé à côté de votre favori. Si c’est le cas, n’hésitez à me le faire savoir en commentaire.
Et les plus grands ? (à partir de 8 ans)
En pratique, il est toujours mieux d’éviter de mettre les enfants devant un écran. En grandissant, cela deviendra quasiment impossible et ils auront très (trop ?) tôt l’occasion de s’esquinter les yeux (et les neurones !).
Marie Gauthe, chercheuse au CNRS, a d’ailleurs étudié l’impact des écrans sur les enfants de 0 à 6 ans. Les conséquences sur leur imagination sont loin d’être anecdotiques.
source: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02500962/document
Ceci étant dit, parler de fictions interactives en excluant les écrans c’est un peu comme manger du fromage en laissant la croûte ! – et si cette image ne vous plaît pas, remplacez-la par un sweat sans capuche, ou un chat sans poils ?
Donc, à partir de 8 ans, il devient acceptable de laisser son enfant seul devant une tablette, un smartphone ou un ordinateur ? Hum… ce n’est pas non plus ce que j’ai dit !
Mais à partir de cet âge, il devient possible pour eux de passer de l’autre côté du miroir et de commencer à créer leurs propres fictions interactives !
Évidemment, avec un crayon, quelques feuilles de brouillons, et deux trois agrafes ils pourront tout à fait s’en sortir.
Toutefois il y a plein d’outils numériques faits pour faciliter la création de telles fictions. 8 ans c’est peut-être un tantinet trop jeune pour se lancer corps et âme dans la création d’un jeu à parser avec Inform (quoi que ? les enfants sont si étonnants ! J’ai personnellement bien bidouillé du Basic quand j’avais cet âge…), mais l’utilisation d’outils tels que Twine, ou mieux Moiki pourrait créer une vocation ! Et par expérience, je peux vous dire que l’écriture à quatre mains avec son enfant est une chose qui s’avère très rigolote.
D’ailleurs, puisqu’on en parle, sur Moiki.fr, il y a maintenant un filtre permettant de n’afficher que les histoires prévues pour les enfants. Et même s’il y en a peu, je suis à peu près certain qu’elles leur plairont ! L’une d’elle a même été « commandée » par mon plus jeune fils pour son anniversaire…
Pour conclure, j’ajouterai tout de même qu’il ne sert à rien de pousser ses enfants à se lancer dans les choses qui nous passionnent. Certains prendront plus de plaisir à lire avec une bonne vieille histoire non-interactive ou à jouer à des jeux plus classiques.
J’espère que cet article vous aura donné quelques idées pour vos prochains week-ends en famille et vous aura permis de découvrir quelques nouveautés ! Et si vous n’avez pas d’enfants avec qui partager tout cela, ayez une pensée pour ceux des autres lors de votre prochaine création ?
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