« Alain Brégeon ? » disent d’une même voix toutes celles et ceux qui ont connu l’Amstrad CPC. « Où ai-je donc entendu ce nom ? Est-ce que… mais oui ! Le passager du temps ! »
Aujourd’hui, nous allons parler de ce jeu, ainsi que d’un autre jeu, précurseur, qui date lui de 1982. Et Alain Brégeon m’ayant fait l’amabilité de répondre à mes questions, vous avez une belle interview en deuxième partie d’article ! Allons-y !
La maison du professeur Folibus
Alain Brégeon a commencé sa carrière sur les gros ordinateurs des années 1970, en tant qu’inspecteur de maintenance sur gros systèmes. Il se familiarise avec des langages comme PL/M ou l’assembleur, mais fait surtout du hardware. Vers 1981, quand la révolution de la micro-informatique commence vraiment à prendre de l’ampleur en France, il achète un ZX81, micro-ordinateur familial et à bas prix qui a une belle popularité. Cependant, il est assez limité : la mémoire est réduite, il n’y a pas de son, etc. Il a alors l’idée de créer son entreprise, AGB, et de créer des modules et extensions matérielles pour le ZX81 (voir par exemple cette publicité pour une interface sonore pour cette machine), puis pour l’Oric. Il conçoit également un jeu de bowling, qu’il soumet alors au magazine Micro-Systèmes ; le listing parut dans le numéro 23 (mai-juin 1982).
Mais Brégeon a aussi acheté un livre intéressant : « Le petit livre du ZX81 », paru début 1982 aux éditions P.S.I., une traduction (par Ghislaine Lapeyre) d’un livre de Trevor Toms, et qui contenait 6 listings plutôt gros pour le ZX81. L’un d’entre eux, en particulier, retient son attention : « Azlan », un jeu d’aventure textuel qui une fois recopié remplit toute la mémoire de l’ordinateur. Le système de codage de « Azlan » est celui d’une base de données, comme The Quill, dont nous avons parlé le mois dernier ; d’ailleurs, ces deux jeux ont un ancêtre commun, un article de Ken Reed paru dans une revue britannique en 1980 (mais c’est une autre histoire ! Et j’en parle dans un prochain Pix’n’Love !).
Brégeon adore ce système, en particulier sa logique, « que j’ai trouvée géniale, cette codification quasi booléenne » comme il me l’a dit. Il a donc entrepris de se l’approprier et de faire son propre programme, avec ses propes lieux et sa propre intrigue : son jeu s’appelle « La maison du professeur Folibus », et il paraît dans le numéro 24 de Micro-Systèmes (été 1982).
Alain Brégeon n’en avait pas conscience, mais il s’agit là, selon mes recherches, du premier jeu d’aventure textuel original en français à diffusion large ! Il paraît quelques mois avant « La caverne des lutins », sur Victor Lambda, et lui ravit donc la couronne. Notons que les mots ont une importance : le premier original et à diffusion large (le premier original c’est Colditz, et le premier à diffusion large c’est la traduction de Mystery House).
Une fois l’article envoyé à Micro-Systèmes, Alain Brégeon passe à autre chose, continue ses expérimentations hardware, etc. Mais la fiction interactive reviendra taper à sa porte quelques années plus tard…
Le passager du temps
En théorie, cette image a évoqué des souvenirs lointains chez une certaine partie de nos lecteurs. Une petite madeleine ?
« Le passager du temps » est un jeu culte de l’Amstrad CPC, et une des fictions interactives les plus populaires dans les années 80. Votre oncle inventeur a disparu, et vous trouvez une machine à remonter le temps, qui vous amène quelques siècles en arrière, à Saint-Malo… Le jeu est relativement difficile, mais accessible par rapport aux jeux de l’époque, grâce à son système d’aide, qui n’est autre que le chat que vous voyez dans la petite boîte. Ce chat est votre compagnon, et commente l’action avec drôlerie et jeux de mots, si bien que c’est « le jeu avec le chat » pour beaucoup de gens… L’aspect graphique est aussi particulièrement réussi, avec une centaine d’images, toutes réalisées avec 4 couleurs seulement (mode 1 de l’Amstrad CPC).
Le jeu est l’oeuvre de Patrick Beaujouan et Alain Brégeon : l’histoire est que Brégeon avait une boutique à Orléans, et un jour Beaujouan vint le voir avec un programme de sa conception, Carson City. Ils eurent ensuite pour projet de faire un jeu d’aventure ; c’était en 1985, et « SRAM » venait de sortir – énorme succès, mais jeu assez frustrant et injuste dans sa conception. Brégeon sortit de ses cartons le moteur de « Folibus », le convertit pour l’Amstrad CPC, et continua à coder (en assembleur) pour y ajouter des images, le chat, etc. ; Beaujouan dessina (pixel par pixel bien sûr) les dessins pour le jeu, en plus de co-écrire le jeu.
Il y a plus de détails sur le jeu, sa conception, et des Easter Eggs, dans un ancien numéro de Pix’n’Love ; par chance, Alain Brégeon l’a scanné et mis en ligne sur son site !
Alain Brégeon ne réalisa pas d’autres jeux d’aventure par la suite ; il fit don du moteur à Patrick Beaujouan, qui avait encore des idées de jeux, et qui l’utilisa pour « Conspiration de l’an III ». Il continua cependant à être actif dans la programmation de jeux vidéo, s’occupant notamment dans les années 2000 d’un site Internet consacré à l’outil 3D Games Studio, ainsi que de pages sur le lapin connecté Karotz (successeur du Nabaztag), concevant des applications et un SDK pour ce lapin. Il fut aussi créateur d’un forum consacré à Kaamelott, dont il est grand fan !
Et Alain Brégeon m’a fait l’honneur de répondre à quelques-unes de mes questions portant sur « Le passager du temps » !
Entretien avec Alain Brégeon
L’article de Pix’n’Love mentionné ci-dessus contenant déjà en entretien avec Alain Brégeon et pas mal d’informations sur le jeu et sa conception, je me suis efforcé de poser des questions « nouvelles », pour compléter cet article, et offrir un autre éclairage sur le jeu. Merci encore à Alain Brégeon !
« Le passager du temps » est un jeu ambitieux, avec une histoire longue, un analyseur syntaxique performant, de très nombreux graphismes, une protection contre le piratage, etc. – et pourtant, il a été réalisé par seulement deux personnes ! Qui s’occupait de quoi, et combien de temps est-ce que ça vous a pris ?
Ici, il me parait important de resituer ce qu’était l’informatique dans les années 80 :
Le premier ordinateur personnel est arrivé, je parle pour la France, en 1980 avec le ZX80, très vite suivi du ZX81.
Vous rendez-vous compte : il était vendu en kit, pas un kit genre IKEA où il suffit d’assembler, mais il fallait souder. Je me souviens encore de cet avertissement sur la notice de montage : attachez-vous avec un câble électrique à une prise de terre de votre maison, toute électricité statique pouvant endommager vos circuits (sic) (encore vrai aujourd’hui mais on dispose de salle blanche, de tapis antistatique etc.)
C’est l’époque où on parlait de firmware (même mon correcteur orthographique ne connaît pas ce mot, c’est vous dire si c’était un autre monde ? ), d’eprom ; le ZX81 était vendu avec UN kilooctet de mémoire vive (1 ko c’est 1000 octets, plus exactement 1024 restons binaire alors que 1 go d’aujourd’hui c’est 1000 000 000 d’octets), sans écran, il fallait utiliser votre téléviseur pour cela mais les normes de télévision de l’époque n’étaient pas uniformisées, normalisées – SECAM pour la France, PAL l’Europe, NTSC pour l’Amérique -, et si votre téléviseur n’était pas bi-format vous ne pouviez pas utiliser votre ZX.
L’affichage était semi-graphique – quel bel euphémisme : on avait une résolution de 64 x 48 pixels, on utilisait un magnétophone pour stocker les programmes…
Personnellement je « baignais » déjà dans l’informatique depuis 15 ans, « inspecteur » de maintenance gros système (Eh oui à cet époque le dépanneur d’ordinateur portait un costume cravate et avait une solide formation, mécanique, électronique, software…et donc un titre d’inspecteur plutôt que technicien) et l’arrivée du ZX a été une révolution dans ma vie.
Voici comment je me présentais en 2012 sur le forum Silicium :
Depuis tout petit, vers 14 ans, c’était en 68 je voulais dépanner les ordinateurs. mon orientation scolaire s’est donc fait dans ce sens, Terminale, Ecole Centrale d’électronique, Institut Control Data…
C’est donc tout naturellement que je me suis intéressé au ZX81, LE premier ordinateur qui plus est était vendu en kit.
Une première carte son, pas dans mon garage mais dans ma salle à manger en parallèle d’un boulot que j’avais par ailleurs, les premières ventes par correspondance, de nouveaux produits, carte graphique, modulateur afin de pouvoir brancher ces appareils sur nos téléviseurs Secam, carte mémoire, il y avait pénurie de celle de l’importateur, la montée en puissance, un patron qui me pousse vers la sortie et voilà comment on se retrouve à son compte sans expérience particulière en gestion mais avec des produits novateurs et un marché prometteur. Il y a même eu des cartes Entrée/ sortie (la domotique avant l’heure) et j’avais commencé des prototypes pour le faire parler
Produits entièrement fabriqués en France, quelques sous-traitants, une machine à vague et des heures de boulot, jour et nuit dimanche et fête, la famille a beaucoup aidé.
Puis est venu le Spectrum, l’Oric tous 2 avaient besoin de modulateur pour fonctionner sur nos télé sécam.
Puis l’arrivée de l’Amstrad, plus grand chose à créer ou fabriquer donc fermeture de la boîte.
Parallèlement à cela j’écris dans des revues, principalement Microsystèmes, je publie un jeu de bowling, un jeu d’aventure (la maison du professeur Folibus)
Je tenais une boutique à Orléans et je reçois un jour la visite d’un client ; il se présente, Patrick Beaujouan, il avait lu mes différents articles et il venait me voir pour savoir si je pouvais l’aider à concrétiser une idée de jeu m’expliquant que, s’il avait des idées, il était incapable de les convertir en 0 et en 1, n’ayant aucune connaissance en programmation. Il s’agissait de « Carson City ».
Notre collaboration venait de voir le jour : d’un côté l’artiste, le poète, Patrick Beaujouan, de l’autre le technicien, le bidouilleur, celui qui programmait plus vite que son ombre (il y a encore quelques restes ?) Alain Brégeon.
Ceci a bien été restitué par Ere informatique qui a écrit nos profils lors du lancement du jeu « Le passager du temps »
Notre collaboration aurait pu s’arrêter à « Carson City » mais est arrivé sur le marché le jeu « SRAM » qui a été un déclencheur chez moi. « La maison du Professeur Folibus », jeu d’aventure texte que j’avais écrit pour la revue Micro-système pour ZX81, pouvait avoir une seconde vie avec du graphisme, de la couleur et du son sur Amstrad.
De mémoire il n’a pas fallu plus de 6 mois pour écrire le jeu ; « Carson City » est sorti en 86, « Le passager du temps » en 87.
Une fois qu’on maitrîse le moteur de Ken Reed – l’utilisation des 3 tableaux, vocabulaire, objet et action – on a un Lego entre les mains, et il ne suffit plus que d’assembler les briques pour écrire n’importe quel jeu d’aventure. L’écriture du programme pouvait avancer même si l’écran graphique correspondant n’était pas terminé. Et je maîtrisais le moteur.
L’intrigue du jeu est très bien écrite et mélange suspense, enquête, voyage dans le temps, et humour. Quel a été le processus d’écriture ? Comment travailliez-vous ? D’où sont venues vos idées ?
Est donc né « Le passager du temps », un petit filet de scénario pour commencer : la maison d’un savant fou, avec ses pièges ; puis l’idée d’une machine à remonter le temps est vite arrivée. Sans penser à vendre ce jeu via une « multinationale », on se disait que la machine à remonter le temps ouvrait des horizons infinis et permettrait d’avoir des suites et des suites…
On avait des réunions régulières : Patrick me rendait visite à ma boutique à la sortie de son travail, on se voyait les weekends, on se téléphonait quasiment tous les soirs. 90 % des idées venaient de lui, les autres 10 % sont mon grain de « folie » que mes enfants connaissent bien : le Chat, le Père Hoquet, la feuille de citron, les 3 mousquetaire, le CODE, les jeux de mots de l’aide du chat, le camp de nudiste, la fin du jeu, les papous… On peut dire que la maison c’est moi, les autres lieux c’est Patrick ; il aimait St Malo, les bateaux, La Rochelle… Il avait carte blanche, et il a bien travaillé.
Au niveau technique, vous avez indiqué ailleurs que l’analyseur syntaxique était issu de vos essais à l’époque de « Folibus », quelques années auparavant. Y’a-t-il eu des modifications apportées à ce système ?
On a pour habitude de dire qu’en programmation, la seule limite c’est notre imagination. C’est peut-être vrai aujourd’hui mais à l’époque il y avait malgré tout de sacrés freins compte tenu du peu de mémoire des machines sur lesquels on travaillait et des capacités de stockages (Disk) pour l’intégralité du programme. Tout devait tenir sur une disquette (2 faces malgré tout).
Le langage s’est donc imposé d’office, ce sera l’assembleur, et j’y ai mis un point d’honneur à économiser le moindre octet.
Des principes de jeu, qu’on s’est fixés dès le début : l’aide à 2 niveaux et surtout le vocabulaire. Je me souviens de séances de brainstorming avec nos épouses pour avoir un maximum de synonymes, (vous imaginez le tableau lorsque nous étions sur les gros mots ? que nous ne voulions pas dans le jeu). J’ai amélioré le moteur de Ken Reed, d’une part pour avoir des phrases de plus de mots (« examine placard haut » est différent de « examine placard bas »,) pour gérer des « animations » (bruit du groupe électrogène, de l’alarme, animation de la danseuse, tableaux retournés, etc.).
Après avoir optimisé le programme, il a fallu optimiser le stockage sur disque ; il y a plus de 160 lieux si je me souviens bien, cela prend beaucoup de place, j’ai donc créé mon propre compresseur d’images.
Il a aussi fallu réfléchir à se protéger du piratage. Nous avions 2 ennemis : les désassembleurs et les logiciels de recopie de disquettes. Pour lutter contre le désassemblage, j’ai mis au point mon propre système – je n’ai jamais su s’il était efficace – qui consiste à crypter le contenu sur le disque et à le décrypter lors de son chargement. L’inconvénient étant qu’il fallait un minimum de code, qui pourrait s’apparenter au firmware, non crypté pour pouvoir lancer le décryptage du reste ?
Par exemple pour connaître le vocabulaire attendu par SRAM il suffisait d’ouvrir le programme en mode texte et on avait sous les yeux le vocabulaire attendu :
Ce qui n’est pas possible avec « Le Passager du Temps » ?
Pour lutter contre les copies de disquettes, la méthode utilisée par Ere Informatique consistait à écrire une information sur la piste 81 ; les disquettes étaient formatées pour traiter 80 pistes, et les logiciels de recopie s’arrêtaient à 80 pistes, et on pouvait, à l’intervalle qu’on voulait, tester si cette information était présente. En cas d’absence il s’agissait d’une disquette piratée.
Nous avions pris le parti de ne tester ce procédé qu’à la fin de la première partie (démarrage de la machine à remonter le temps) : on faisait la morale, et je crois qu’on faisait en sorte qu’il faille éteindre l’ordinateur pour reprendre le cours normal de la machine. On se disait qu’après avoir goûté le premier niveau, ils iraient acheter l’original pour poursuivre le jeu.
Le piratage reste un sujet sensible, contre lequel je me suis toujours battu, avant même ce jeu ; et je mets un point d’honneur encore aujourd’hui à acheter tous les logiciels dont j’ai besoin, et si ce sont des freewares alors je fais des donations. Néanmoins, pour « Le passager du temps », il y a prescription aujourd’hui, et j’ai été heureux de le voir arriver en abandonware 20 ans plus tard. Et encore plus heureux lorsque ma fille Jessica, née après ce logiciel, a décidé il y a quelques jours de le « twitcher » en y jouant et en le découvrant. Elle a refusé toute aide ma part, et quel plaisir d’y jouer sans parcourir les solutions existantes, tant il y a de choses à découvrir.
Certains observateurs ont rétrospectivement décelé une grande influence de la bande dessinée sur les jeux vidéo français à cette période de la fin des années 80 (et plus tard encore). Il me semble que c’est particulièrement le cas pour « Le passager du temps ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Patrick Beaujouan avait une collection de BD sur les pirates, Barbe rouge, peut-être même « Les passagers du vent », et je pense qu’effectivement il s’en est largement inspiré pour les graphismes.
De mon côté c’était Franquin, Gaston Lagaffe, Tex Avery – les yeux qui sortent de la tête du chat en voyant le tableau de « nu » en est une très bonne illustration.
Quand on parle du « Passager du temps », tout le monde parle du chat – avec raison, tant il est drôle et attachant. D’où est venue l’idée d’avoir un comparse ? Quel était le but ? Qui a écrit ses répliques ?
Je crois qu’on avait prévu de mettre le crocodile Amstrad, qui a une posture d’observateur, qui aurait pu paraître narquoise mais on a eu peur du procès. (Il fera quand même une courte apparition dans un des niveaux.)
On a donc dû chercher un autre animal, et j’imagine que Patrick m’a proposé un dessin du chat.
Pourquoi un compagnon, crocodile ou chat ? Une chose est sûre : mon expérience de « SRAM » m’avait montré le chemin de tout ce qu’il ne fallait pas faire si on voulait faire un jeu « convivial ». Je voulais une aide à 2 niveaux afin de ne pas se décourager trop vite, et à l’inverse de ne pas avoir la solution trop facilement. Il y a donc l’aide classique avec le mot « aide », et on a ajouté une aide avec le chat qui est plus pointue.
Un brainstorming pour trouver tous les mots contenant de près ou de loin « chat », et on avait une belle liste de jeux de mots à lui faire dire. Idem pour l’aide, aider sans trop aider, travail d’équilibriste ; par exemple « pousse ou tire, moi je m’en fiche » lorsqu’on est devant la machine à remonter le temps : il faudra dire « pousse manette », « tire manette », « enfiche carte ».
« Le passager du temps » passe aujourd’hui pour un jeu un peu difficile sans solution, mais c’était un peu le cas de tous les jeux de l’époque. Quelle a été votre approche concernant la difficulté du jeu, au sens large (énigmes, commandes, etc) ? Faisiez-vous tester le jeu à d’autres personnes pour jauger de la difficulté ?
Lorsque j’y rejoue, je me dis qu’effectivement il n’était pas facile :
- quelle action est attendue ici ?
- j’ai l’action en tête, comment traduire cela avec le vocabulaire attendu – même si j’ai le bon mot, la moindre faute de frappe fait que la phrase est refusée, et pour peu qu’on ne voie pas la faute on pense que l’idée n’était pas la bonne.
Malgré tout, un jeu d’aventure qui se ferait en 10 min ne présente aucun intérêt, il faut donc titiller l’intellect du joueur. Donc pas forcément un jeu moins dur que « SRAM » mais 2 niveaux d’aide, des touches de raccourci, discute, examine, prends… le point pour répéter sa dernière phrase (désactivé pour la punition à la suite d’un gros mot).
Nous avons mis en place des sauvegardes permettant malgré tout de ne pas tout recommencer à chaque fois.
« Le passager du temps » a été, il me semble, un des plus gros succès du CPC. Vous a-t-il rendu riches et célèbres ?
Riche et célèbre, je ne sais pas si c’est ce que nous recherchions… Quand on a à cœur de partager son savoir via des articles dans des revues, je ne pense pas qu’on cherche la richesse et la célébrité. En ce qui me concerne, je me connais un peu, je recherche en permanence la reconnaissance – et donc forcément on suivait le hit-parade, et on était fiers d’être en tête et d’avoir des critiques élogieuses. Malgré tout, je me souviens de notre collaboration avec Ere Informatique, il nous avait été remis des cartes de visites à notre nom, « auteur » ; et j’avoue que j’en étais fier, je crois que je les ai gardées très longtemps.
Combien cela a-t-il rapporté, je suis tombé sur un relevé il n’y a pas longtemps en préparant mon dossier retraite, il s’élevait à 10 000 francs (le smic était à l’époque de 700 francs mensuels).
Il y a encore beaucoup de fierté aujourd’hui. Quand je lis des commentaires de ci de là – car on parle encore du « Passager du temps » -, des gens qui ont des souvenirs émus de cette époque, qui se souviennent y avoir joué avec plaisir, les demandes d’interviews… Oui, je suis fier de ce que j’ai fait.
Des portages sur d’autres machines avaient-ils été envisagés à l’époque ?
Tel quel, non. Je viens de voir que « SRAM » existait dans d’autres langues, je ne crois pas qu’ERE [également éditeur de « SRAM »] nous l’ait proposé. De toute façon, traduire les jeux de mot du chat dans une autre langue perdrait de sa saveur.
On a cependant été sollicités pour le transformer en un jeu jouable à la souris ! Quelle hérésie, Patrick était partant, personnellement j’ai décliné.
Avez-vous continué dans les jeux vidéo après ? En tant que joueur, ou créateur ?
Il y a eu une longue période où j’avais d’autres occupations puis est arrivé un moteur 3D (3DGameStudio) qui permettait de créer ses propres jeux. Moteur germano-américain, rien en français, aussi j’ai tout traduit ; le site, les pages françaises ont été ajoutées au site officiel, toutes les documentations et j’ai écrit des workshops (ateliers). Parallèlement j’ai créé un forum – c’était à la mode à l’époque – sur les moteurs de jeux : 3DGameStudio, Dark Basic, 3d Game Maker, etc.
Est venu ensuite le Karotz, petit lapin connecté, invention française ; là encore j’ai créé des tutoriels pour apprendre aux gens à créer leur propre apps, toujours avec beaucoup d’humour.
La vraie reconnaissance vient de mes enfants, au nombre de 5, ma jeune fille a lancé sa chaîne Twitch sur les jeux vidéos des années 90 et a décidé de montrer « Le passager du temps » – qu’elle découvre pratiquement : même si elle en avait entendu parler, elle n’avait pas eu l’occasion d’y jouer !
On remercie beaucoup Alain Brégeon pour cet entretien !
23 avril 2021 at 23 h 26
Merci pour cet article !
c’était en 1985, et « SRAM » venait de sortir
SRAM n’est-il pas plutôt sorti en 1986 ?