Ceci est la traduction d’un entretien entre Sophia de Augustine et manonamora originellement publié dans le magazine The Rosebush.
Sophia : Salut, Manon ! Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?
Manon : Salut Sophia ! Volontiers. 🙂
Je m’appelle Manon, citoyenne du net, sous le pseudo manonamora sur Internet (un mélange entre mon prénom et la moutarde Amora – le pseudo parfait d’après un enfant de 8 ans…). J’écris depuis toujours, mais je n’ai découvert la fiction interactive qu’en 2021. Depuis, je crée de la FI durant mon temps libre pour m’amuser.
Je suis aussi l’une des organisateurs de Neo-Interactives, avec Autumn Chen, Jinx/Lapin Lunaire, et toi, un collectif de FI qui organise des gamejams mensuelles avec des restrictions ludiques pour encourager la créativité et l’expérimentation, ainsi que réunir les différentes formes de FI.
S : Ce que j’ai trouvé vraiment charmant dans la fiction interactive, c’est la diversité des façons dont nous la découvrons. Comment as-tu découvert la FI, et qu’est-ce qui t’as fait rester ?
M : Je l’ai trouvé un peu par hasard, en fait !
J’ai toujours eu une préférence pour les jeux narratifs et de puzzle. Donc, j’ai certainement joué à des FI (et adjacents) sans vraiment savoir c’étaient des FI, comme Disco Elysium, Fallen London, les TellTales, ou même les vieux point-n-click de (ou inspiré par) LucasArts, comme Sam & Max et Grim Fandango, ou même des tas de VN (visual novels). Quand j’étais petite, j’avais même des LDVELH éducatifs, où il fallait résoudre des exercices pour arriver à la fin.
Par contre, je ne me suis familiarisée avec la scène de FI seulement qu’il y a quelques années, lorsqu’un proche m’a envoyé le lien vers une FI (A Tale of Crowns) pensant que ça m’amuserait, vu que c’était textuel et que… j’adore lire !
Après avoir parcouru le blog du créateur, je me suis demandée si je pouvais moi aussi m’y mettre (mon ami m’ayant aussi mise au défi), même si je n’avais absolument aucune connaissance en codage ou que j’avais abandonné l’écriture il y avait une dizaine d’années. Cela semblait un super défi, je pensais pouvoir apprendre une ou deux choses en même temps.
Alors, j’ai créé un blog sur Tumblr, suivi un tas d’autres créateurs de FI là-bas, et créé mon tout premier jeu (Meeting the Parents). En apprenant à coder et en jouant à d’autres FI, j’ai découvert d’autres groupes de FI, participé à des gamejams et des compétitions…
La communauté a contribué à raviver mon amour pour l’écriture et la création, et je ne l’ai plus quittée.
S : Les gamejams. Tu en as organisé un paquet. Peux-tu nous en dire plus sur comment et pourquoi tu as commencé à en faire ?
M: Il y avait un fil de discussion sur le Forum IntFiction, vers la fin de 2021, qui discutait d’un gimmick farfelu pour un potentiel concours – qui deviendrait ensuite la SeedComp! – et que je trouvais intéressant. En participant à cette discussion, je me suis portée volontaire pour devenir l’une des organisateurs, et j’ai aidé à transformer cette idée en un véritable événement 14 jours après la création du fil. C’était super stimulant de faire tout ça, d’avoir ces échanges pour établir les règles et de décider comment l’événement allait se dérouler, et sans problème, en si peu de temps.
Jusque là, je cherchais quoi faire pour rendre à la communauté qui m’avait tant donné et aidé. Créer des liens entre les gens grâce à la collaboration, les rendre enthousiastes à l’idée de créer et de jouer à de nouveaux jeux, d’apporter de nouvelles perspectives aux idées et thèmes ou à ce que la FI pourrait ressembler… ça m’a semblé correct, tu vois ?
La SeedComp! ayant trouvé pas mal de succès, je me suis dit que ce serait cool d’organiser d’autres événements tout au long de l’année, surtout des gamejams plus détendues et abordables. Il y a déjà pas mal d’événements FI tout au long de l’année, avec la Spring Thing, l’IFComp, l’EctoComp, et les différentes compétitions spécifiques à un certain format ou programme, mais peu finalement pour les non classées. Donc, très peu d’espace sans cette forte pression de jugement et de classement. Et voilà comment plein de jams sont apparues !
S : Tu as organisé des gamejams avec un certain nombre de personnes de la communauté – la plupart d’entre elles l’ont été avec les Neo-Interactives. Comment la consolidation d’une équipe a-t-elle influencé l’expérience de l’organisation de gamejams ? Quelle était la justification de la formation du groupe ?
M : En effet, les dernières gamejams ont été organisées sous le groupe Neo-Interactives (ou avec certains organisateurs N-I). Je suis reconnaissante que nous puissions compter les uns sur les autres et échanger des idées, qu’il s’agisse de travailler sur les détails importants ou les éléments un peu « stupides » des jams. C’est vraiment moins stressant de faire tout ceci en groupe plutôt que toute seule, surtout lorsqu’il s’agit de reprendre des gamejams plus anciennes (et de rester fidèle à leur objectif initial) ou d’inclure tous les types de FI lors de la mise en place de restrictions. Des esprits différents apportent des perspectives différentes. Nous nous aidons les uns les autres avec ces tâches, en répartissant le travail, en reprenant le flambeau si besoin.
La consolidation de l’équipe, sous un seul nom, nous a également aidés à garder une certaine cohérence dans notre message et notre philosophie de ces gamejams, car le groupe a une raison commune : vouloir voir plus d’expérimentation dans la FI, apporter du sang neuf et de nouvelles perspectives, construire des ponts entre les différentes communautés de la FI et leurs différentes formes. Nous voulions un espace où les gens pourraient partager leur travail sans la pression du classement ou de la compétition, où ils pourraient tâter le terrain avec des thèmes, des formats ou des mécaniques.
En gros, « do word/coding crimes » ! 😂
S : En parlant de cette variété – j’aimerais en savoir plus sur certains des points forts – l’inspiration derrière certains de ces gamejams, comment elles se sont déroulées et tout ce que tu as tiré de celles-ci.
M : Et j’aimerais beaucoup t’en dire plus !
S : La Neo-Twiny jam était très chère à mon cœur, car j’ai un penchant particulier pour les œuvres de Porpentine. J’aimerais vraiment savoir pourquoi tu as choisi de faire revivre cette jam. La plupart des gamejams que tu as organisées jouent avec des restrictions mécaniques, plutôt que d’inspiration thématique, et je suis curieux de savoir comment tu vois que la limite stricte de mots a influencé les FI soumises. Pourquoi l’as-tu augmenté par rapport à la limite initiale de 300 mots ?
M : Cette jam a été initiée après avoir vu un billet partagé par Autumn Chen sur Tumblr à propos de la Twiny Jam (la jam originale qui a eu lieu en 2015), où elle songeait à reprendre la jam. J’avais complètement oublié jusqu’à ce que je participe à la Partim500, la version française de la Twiny Jam, organisée chaque année depuis 2017 par Adrien Saurat (Feldo). Cependant, comme le français est une langue verbeuse comparée à l’anglais, le nombre de mots a été augmenté à 500 mots. Et 500 mots, c’est encore très peu…
Cette jam (Partim500) avait été une expérience tellement sympa, qu’elle m’a rappelé le billet d’Autumn. Je lui ai proposé de ressusciter la gamejam de Porpentine pour la communauté internationale et nous nous sommes mises au travail.
Honnêtement, nous ne savons pas toutes les deux pourquoi la limite a été augmentée, mais la Partim500 y est sûrement pour quelque chose. Je pense qu’avoir un peu plus de marge de manœuvre, avec ces 200 mots supplémentaires, a été bien reçu par les participants, beaucoup d’entre eux nous ayant indiqué avoir quand même eu du mal à respecter cette nouvelle limite.
Étant donné qu’une grande partie de la communauté FI s’efforce d’atteindre des très grands nombres de mots avec leurs projets, les dizaines de milliers de mots étant la “norme” pour un projet de base, une limite si petite en comparaison peut sembler presque impossible. Comment pouvez-vous raconter une histoire complète en si peu de mots ? Comment peut-elle être complète et harmonieuse ? Comment pouvez-vous transmettre votre message avec succès et impact ?
La créativité se nourrit de ces restrictions. Les 124 soumissions uniques l’ont clairement démontré.
S: L’Anti-Romance jam a été organisée par notre amie Jinx. Toi et moi sommes friands du genre de la romance, genre exploré dans tes œuvres comme Crimson Rose & White Lily (hiatus) et il semble plutôt curieux pour toi d’avoir aidé à organiser une jam aussi antithétique que celle-ci ! Alors, pourquoi l’as-tu fait ?
M : Je pourrais te demander la même chose, Sophia ! Tu as tout autant aidé !
En vérité, il n’y avait pas eu beaucoup de réflexion sur le pourquoi. 😂
Lorsque Jinx a présenté le concept de ce qui allait devenir l’Anti-Romance jam, j’ai offert mon aide sans même y penser une seconde, sans réfléchir à ce que cela impliquerait. Parce que, tu sais bien, les amis aident les amis.
Bien que je sois friande d’histoires d’amour, j’aime tout autant explorer des thèmes — n’importe lesquels ! Je suis plus le genre de personne qui essaye un tas de choses différentes et expérimente plutôt que de rester sur mes acquis. Donc, faire partie de cet événement n’était pas trop bizarre pour moi…
S : L’Anti-Romance Jam laissait libre l’interprétation du terme « anti-romance » – qu’en est-il pour toi ? Est-ce que l’une des œuvres de la jam t’a surprise dans son interprétation du thème ?
M : Pour moi, l’Anti-Romance était simplement le manque de romance. Pas de gestes romantiques, pas de mots d’amour… Non pas qu’il n’y ait pas d’amour à partager ou de relations, mais seulement ne pas avoir de relations romantiques. Avec ma propre participation, j’avais créé une prémisse où le joueur empêcherait les gens de s’impliquer dans ce genre de relation.
Après avoir passé en revue toutes les soumissions de la jam, ce que j’en ai retenu était la diversité de l’interprétation du thème entre les créations. Bien que le point de départ fut le même, certaines histoires étaient focalisées sur l’amour non réciproque, d’autres sur la fin de relations, ou le cliché de la relation condamnée. Je ne pense pas que ma définition de l’Anti-Romance ait beaucoup changé après avoir lu toutes les entrées, mais celles-ci m’ont donné beaucoup à réfléchir. C’était tellement intéressant de voir comment chaque participant a pu penser à des histoires aussi différentes, ou utiliser différents médiums pour transmettre leur lecture personnelle du thème, ajouter du sérieux à ce qui pourrait sembler un thème un peu absurde.
S : La Single Choice jam. Tu as beaucoup tâtonné avec les formats de choix, d’analyseur syntaxique et de la zone radicalement expérimentale qui relie les deux camps de la FI. Y a-t-il eu des difficultés à adapter cette gamejam, qui limite le joueur à un seul choix, pour accommoder à la fois les jeux à choix et parser ? Ce dernier aspect semble particulièrement délicat à aborder, compte tenu du vocabulaire important que les joueurs développent – X, N/S/E/W, prendre tout, etc.
M : Beaucoup, c’est généreux, Sophia ! Je viens à peine de gratter la surface pour les parseurs, j’en suis sûre. Tout de même, avoir essayé les deux m’a aidé à réfléchir aux similitudes et différences dans la façon dont les jeux IF sont créés. Même si cette réflexion n’était pas allée très loin lorsque nous avons organisé la Single Choice Jam…
Cette jam s’est révélée probablement la plus complexe à mettre en place lorsque nous avons essayé de prendre en compte les jeux à choix et les parser dans les contraintes, d’autant plus que nous [les organisateurs] avons commencé par la FI à choix. Contrairement à la Neo Twiny Jam, la contrainte se concentrait plus sur le côté mécanique de la programmation que sur une limitation numérique. Les participants ne pouvaient donner au joueur qu’un seul choix, et un seul passage pouvait avoir plus d’une option d’action.
Il existe des différences fondamentales entre les parseurs et les jeux non-parseurs, en particulier dans la façon dont ils sont construits et la logique derrière le code. Un passage n’est pas vraiment équivalent à une pièce. Les actions disponibles dans les analyseurs syntaxiques ne sont pas nettement affichées à l’écran. Différents joueurs utilisent différentes phrases pour une même commande (ex: X, EXAMINER, REGARDER). Il existe des commandes courantes qui peuvent ne pas être considérées comme une action (comme examiner quelque chose). Les nombreux détails que nous n’avons probablement pas considérés aussi largement que nous aurions dû lorsque nous avons pensé à cet événement.
Lorsque nous préparions cette jam, nous ne nous sommes pas rendus compte que cette contrainte d’une seule action ne se traduirait pas aussi bien que nous ne le pensions pour les analyseurs syntaxiques, du moins pas de la façon dont nous l’avons définie au départ. Bien que cela ait donné lieu à des discussions intéressantes sur IntFiction lorsque la jam avait été annoncée, ses utilisateurs essayant de jauger où était la limite. Nous avons dû prendre de nombreuses décisions à la volée au cours des premiers jours, en définissant ce qui était acceptable et ce qui irait à l’encontre de l’esprit de l’événement. Heureusement, à la fin, nous avons quand même pu voir des parsers bien sympa !
Nous espérons que pour la prochaine édition de la jam, ces contraintes seront plus claires pour tous dès le départ ! 😅
S : L’Orifice jam était un autre hommage à l’influence de Porpentine, embrassant la luxuriance lascive que moi, et beaucoup d’autres, sommes venus à associer à ses œuvres. Certaines des soumissions étaient, sans surprise, explicitement NSFW (Not Safe For Work). C’est un peu unique parmi les jams que tu as organisées, je dirais ! Comment était cette expérience ?
M : En tant qu’organisatrice, l’expérience était assez similaire aux autres jams à thème, dans la façon dont nous devions configurer les pages, se mettre d’accord sur les règles, l’annoncer et enfin espérer que tout ira bien. L’exception est peut-être que nous nous attendions dès le départ à ce que la plupart des soumissions soient principalement NSFW.
Lors de l’exécution de la Neo-Twiny Jam, l’autre jam rendant hommage à Porpentine, nous avions vu cette dite influence au travers des participations les plus explicites. Je pense que la façon dont nous avons formaté la page de l’Orifice Jam, avec ton incroyable image d’en-tête, a donné le ton dès le départ pour cette jam. Bizarre, grossier, et troué. Et c’est ce que les soumissions ont montré !
En tant que participante, cependant, je ne me sentais pas vraiment dans mes cordes. Bien que j’apprécie le contenu NSFW, écrire du contenu (à la limite de l’) explicite m’était très étrange. Même en adoptant le travail de Porpentine, essayer de faire ressortir cette luxuriance que tu as mentionnée, ou cette concentration sur le corps, était assez bizarre. Cela reste tout de même une expérience intéressante, ayant sûrement poussé plus d’un(e) hors de leur zone de confort.
S : La Bring Out Your Ghosts jam était un clin d’œil cool aux festivals des morts, dont les vieux projets inachevés étaient l’objet. Tu as également organisé la SeedComp!, un espace où les gens peuvent balancer leurs idées afin que des jeux puissent bourgeonner grâce à d’autres créateurs. Est-ce que l’accent mis sur le fait de faire ce genre de sacrifice (kill your darlings) a résonné avec toi personnellement ou tes ouvrages ?
M : Nous devrions tous « kill your darlings » régulièrement. Une sorte de grand nettoyage de nos esprits, nos fichiers d’idées ou nos projets non terminés. La créativité est parfois une arme à double tranchant : vous pouvez avoir des tonnes d’idées excellentes… mais vous avez aussi des tonnes d’idées que vous aimeriez explorer tout de suite, toutes en même temps. C’est donc très libérateur de lâcher prise sur des choses qui ne se réaliseront probablement jamais, de se concentrer sur celles qui sont possibles ou déjà en cours.
Bien que je n’ai pas participé à la Bring Out Your Ghost l’année dernière, les deux jams ont vraiment eu un impact sur la façon dont je vois les idées et les projets. En plus de m’aider à lâcher prise, alors que je sais que je n’aurai jamais le temps / l’énergie / les capacités pour tout faire, j’ai aussi pu comprendre ce qui pourrait être faisable et ce qui ne le serait pas, si un projet serait court ou long, et quand finir une histoire, même si elle n’inclut pas tout ce que je voudrais faire. C’est beaucoup de bagage en moins !
Bien que je ne sois pas vraiment un bon exemple : j’ai encore un tas de travaux en cours sur ma planche. Mais Pinkunz, l’un des organisateurs de la SeedComp! pourrait l’être, ayant soumis lors de la dernière édition près de 40 idées de jeux qui n’avaient jamais vu le jour. Des idées qui ont fini par résonner avec d’autres créateurs, du fait que quelques jeux basés sur ses idées, soumis à cette compétition, ont vu le jour.
S : La Bare-Bones jam semble être le parfait homologue à tes merveilleuses et habituelles interfaces : utiliser l’interface de base de n’importe quel programme choisi pour faire une FI ! Compte tenu de tes expériences dans les communautés de la FI en dehors du forum IntFiction (comme Tumblr et interact-if), quelles ont été tes attentes en matière de présentation ? Est-ce que tes actions de modifications approfondies sur Twine (en particulier avec tes modèles pour Sugarcube et tes projets hybrides) ont inspiré cette jam?
M : Cette gamejam est inspirée par la Naked Twine Jam qui avait été organisée sur Tumblr en 2014, et que nous nous sommes réappropriée pour une jam d’Halloween et ouverte à tous les programmes (pas seulement à Twine, même si nous nous attendions à voir de nombreux créateurs utiliser ce programme). La jam originelle avait été organisée en réaction à la crainte qu’un rendu plus raffiné était attendu des jeux Twine (en raison de la disponibilité accrue d’outils pour personnaliser un projet, mécaniquement et par le biais d’audiovisuels), et relâcher la pression sur les nouveaux venus pour faire… eh bien, quelque chose, quoi. Une sorte de nivellement du terrain de jeu en supprimant tout élément personnalisé, en le ramenant à son squelette (bare bones).
La philosophie de la jam originelle a alimenté ce que nous voulions réaliser avec cet événement, au sens où nous voulions un espace pour que les gens puissent se concentrer pleinement sur leur histoire, ou leur puzzle, ou leur mécanique, sans avoir à se soucier de la façon dont leur jeu est présenté à la fin – ne passant donc pas trop de temps sur l’interface du jeu.
Avec tellement de beaux jeux et d’interfaces impeccables, c’est assez courant de voir des messages de créateurs ressentant cette pression d’avoir un projet raffiné – le visuel étant un moyen supplémentaire pour transmettre des éléments au joueur, et une interface esthétique peut aider à améliorer l’expérience du joueur. Pourtant, même s’il y a plus de ressources disponibles qu’en 2014 pour modifier en profondeur des projets Twine (interfaces, macros, etc…), j’ai vu pas mal de discussions, en particulier avec de nouveaux créateurs arrivant dans la communauté sur Tumblr, où les gens ont l’impression d’être submergés du fait d’avoir besoin d’apprendre tant de choses pour atteindre ce niveau de raffinement – au mieux, coder et personnaliser leur projet est une corvée. Beaucoup préféreraient simplement passer ce temps à écrire et à se concentrer sur l’histoire.
En essayant, entre autres, d’atténuer cette pression du côté de la création de jeux, nous voulions que cette jam soit particulièrement accessible aux nouveaux venus, car la concurrence peut être éprouvante. En offrant aux gens un endroit calme et confortable pour se familiariser avec un nouveau programme, ou même pour en essayer un autre, nous avons essayé de nous assurer que tous pouvaient expérimenter sans aucune attente.
Et je pense que ça a marché ! Nous avons vu de nouveaux utilisateurs participer avec leur première FI, quelques-uns essayant même d’explorer un autre type de FI (parseur au lieu de choix, ou vice-versa), certains qui ont testé de nouveaux programmes (des formats non-IF aux formats CYOA plus traditionnels), et d’autres qui se sont tournés vers des formats dont l’esthétique de base était plus plaisante.
S : Bien que la communauté ait sa propre tradition Speed-IF, les délais raccourcis des gamejams apportent un peu un bouleversement par rapport aux compétitions historiques comme la Spring Thing ou l’IFComp. D’après toi qu’est-ce que les gamejams apportent à la FI dans son ensemble ?
M : Comme les compétitions, les gamejams sont des événements très intéressants pour la FI. Ils fournissent aux participants une structure pour créer un quelconque jeu, dans un laps de temps limité, avec une date limite déterminée. Les gamejams sont souvent beaucoup plus courtes que les compétitions, donc elles créent ce sentiment d’urgence : vous avez un temps limité pour trouver une idée ou un concept qui correspond aux règles et la mettre en œuvre – c’est une grande motivation pour faire des choses.
Parfois, les gamejams créent même ce sentiment d’incertitude : la jam peut être unique et ne jamais se reproduire, ou elle peut revenir mais avec des règles complètement différentes. Vous pouvez vous retrouver avec une sorte de FOMO (fear of missing out : peur de manquer quelque chose) si vous ne participez pas immédiatement avec l’idée que vous venez de concocter. Si ce n’est pas maintenant, alors quand ?
Une autre chose importante que je ressens à propos des gamejams, en particulier du type non classé, est qu’elles aident à accueillir les nouveaux venus dans la communauté, comme je l’ai dit auparavant, sans avoir la pression de bien performer ou de se soucier d’un classement. Ce sont des événements détendus qui apportent du sang neuf et des perspectives diverses. Je crois que ces éléments sont importants pour la communauté, surtout si nous voulons continuer à grandir et toucher plus de gens – ou au moins s’assurer que sa flamme soit entretenue.
Les gamejams non classées offrent également un espace spécial pour les expérimentations, en particulier celles qui ne trouvent pas vraiment leur place au sein des grandes compétitions, ou pour tester des formats avant de s’y engager complètement. De cette façon, vous pouvez voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour vous, où vous pourriez avoir besoin de conseils ou d’aide, ou le chemin que vous pourriez suivre (narrativement ou en termes de programmation).
Avec l’ajout de restrictions ou de thèmes, les gamejams peuvent aider à stimuler la créativité : elles peuvent aider à trouver des idées pour une histoire, ou un angle pour faire face aux restrictions – parfois même forcer les participants à penser hors des sentiers battus ! Je veux dire, que pouvez-vous vraiment faire avec 500 mots ? Comment allez-vous raconter une histoire si vous ne pouvez la formater que d’une certaine manière ? Comment rendre les choses intéressantes si le joueur n’a qu’un seul choix ?
Dans l’ensemble, ces courtes bouffées de créativité collaborative, alimentées par ces gamejams, finissent par façonner ce qui est écrit et comment ils sont écrits.
S : Des projets de gamejams pour l’avenir ?
M : Oh, tellement ! Et nous ne faisons que commencer !
Notre objectif (avec les Neo-Interactives) est d’avoir des gamejams toute l’année, chacune ayant un twist particulier, que ce soit dans les thèmes, la mécanique ou la personnalisation. Si un thème ou une contrainte est plébiscité par la communauté, comme la Neo-Twiny Jam ou la Single Choice Jam, notre objectif est de réorganiser ces événements l’année suivante. Sinon, nous aimerions explorer des concepts différents, peut-être en ressuscitant une autre jam FI historique. Nous avons beaucoup d’idées dans nos poches !
Après la clôture de la ShuffleComp, une compétition qui n’avait pas eu lieu depuis 2015, nous avons travaillé sur les détails pour le calendrier 2024 des Neo-Interactives, apportant une nouvelle jam chaque mois (plus ou moins) et nous nous préparons déjà à annoncer les prochaines !
Note : depuis cette interview, la Recipe Jam, la Smoochie Jam et la Revival Jam ont aussi été organisées. La Dialogue Jam et la Locus Jam ont eu lieu depuis cette traduction, ainsi que la REALLY BAD IF JAM, organisée par moi-même. Vous pouvez par contre consulter la nouvelle édition de la Neo-Twiny Jam, pour laquelle une cagnotte basée sur le nombre de soumissions sera donnée à des causes LGBTQ+, ainsi que des événements solo comme l’Interactive Fiction Showcase et la Confiture de Parser.
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